Rémi Perrier, co-fondateur de Musilac avec Roland Zennaro, avait annoncé la couleur dès son discours d’inauguration de cette vingtième édition : la survie de Musilac ne tient qu’à un fil.
Temps splendide, organisation aux petits oignons, belles têtes d’affiche … Tous les ingrédients étaient réunis pour faire du festival un succès. Pour autant, les 80 000 festivaliers n’ont pas suffi à équilibrer les comptes et le déficit est … Abyssal.
Rémi Perrier et Roland Zennaro sont à la tête d’une grande équipe, investis, sincères et combatifs, mais on sent la solitude et le poids qui reposent sur leurs épaules à l’heure où, pour la première fois depuis 20 ans, ils ne peuvent affirmer que Musilac sera présent l’année prochaine.
Et pourtant, ces passionnés se sont battus, ont puisé dans leurs ressources pour, à nouveau et après une absence covidesque, faire de la jolie esplanade du lac un prodigieux lieux d’émotions, de partage et de culture.
Musilac ne gagne pas d’argent mais en fait gagner, c’est indéniable, et il ne tient que par l’implication d’une famille de passionnés.
Il y a toujours des râleurs patentés prêts à soulever les quelques nuisances inhérentes au festival mais mesurons-nous suffisamment la chance que nous avons de pouvoir profiter d’un tel festival au bord de notre lac ? La question est posée.
Ce sont tout de même 80 000 personnes qui font le déplacement, qui consomment (dans l’enceinte du festival mais pas uniquement), 80 % d’entre-eux deviennent des futurs touristes ou excursionnistes d’après une étude menée par l’office de tourisme d’Aix-les-Bains. Les commerces, les restaurateurs et les hébergeurs bénéficient directement et indirectement du rayonnement de Musilac, et c’est tant mieux !
Cela fait 20 ans que ce festival met le lac du Bourget sous le feu des projecteurs et contribue sans aucun doute au changement d’image de la ville d’Aix-les-Bains tout en étant une malle aux trésors de souvenirs inoubliables dans l’esprit de ses festivaliers, artistes et bénévoles.
Interview de Rémi Perrier
Dimanche 10 juillet 2022
Lac-du-Bourget.com : Lors de l’inauguration de Musilac, vous avez évoqué la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouve le festival.
Rémi Perrier : Les mots que j’ai prononcé n’étaient pas une posture. Je dis et j’ai toujours dit la vérité sur ce festival. J’ai toujours alerté sur les risques, expliqué la vérité, balayé les rumeurs. Ce festival est tellement positif, il nous fait vivre à tous des moments extraordinaires, avec l’équipe, les festivaliers, les partenaires et les artistes. On a des équipes exceptionnelles, on travaille ensemble dans une ambiance familiale, dans l’empathie et en prenant soin de tout le monde mais, malgré cela, Musilac est en danger économiquement. Je ne peux même pas annoncer de dates pour l’année prochaine, je ne suis même pas sûr qu’on sera vivant. Nous ne gagnons rien avec Musilac mais on ne s’en plaint pas. Mais si nous sommes parvenus à absorber les pertes dans le passé, celles d’aujourd’hui paraissent insurmontables (1,2 million d’euros, ndlr).
LDB : Le soutien manque-t-il ?
R.P. : Il y a des comportements effarants de la part de certains acteurs économiques qui sont contre-productifs. Le jour où on sera plus là, tout le monde en souffrira. Pourtant, Musilac, ce sont des centaines de milliers d’euros réinjectés dans l’économie locale et pas seulement à Aix-les-Bains … Et c’est tant mieux !
Quant aux pouvoirs publics, on peut grandement remercier la ville d’Aix-les-Bains, Renaud Beretti et Michel Frugier entre autres, l’équipe de l’office de tourisme qui sont vraiment avec nous, l’aide modeste et sympathique de la Région mais, pour le reste, on nous ignore.
On a aussi besoin de l’appui des acteurs économiques locaux, qu’ils s’approprient vraiment le festival.
LDB : Musilac, c’est un objet qui va au-delà de la musique pour vous ?
R.P. : Oui, je suis peut-être un peu fleur bleue mais Musilac est un objet sociétal, ce n’est pas que le gars qui gratte à 17h, puis 18h puis à 23h. C’est l’essence dans le moteur qui participe à ce cadre magique, entre lac et montagne mais ça va bien au-delà. Je croise des gens qui viennent me voir spontanément, me racontent des histoires de vie nées pendant le festival et qui sont importantes pour eux. Et ça, ça m’émeut !
C’est une boîte à souvenir, cela a été vingt années exceptionnelles. Bien sûr, je relativise, si cela s’arrête, il y a des choses bien plus graves dans la vie.
LDB : Avez-vous déjà songé à utiliser le lac comme une scène ?
R.P. : On y a souvent pensé, après quelques chartreuses [Rires mais on sent tout de même que cela a été le cas 😂, ndlr], pensant à la chanson Smoke on the water de Deep Purple. On l’a évoqué de manière sérieuse il y a des années mais même si on évacue momentanément l’aspect sécurité, c’est pas facile voire impossible d’un point de vue technique. Qui plus est, cela reviendrait aussi à abattre des arbres …
LDB : Que fait Rémi Perrier après Musilac ?
R.P. : J’ai un petit concert le 19 juillet au Groupama Stadium avec un jeune groupe qui débute et qui s’appelle les Rolling Stones donc je vais pas faire la sieste tout de suite au soleil et on a pas mal de concerts au théâtre Antique de Viennes, on a Sexion d’Assaut, Francis Cabrel, Orelsan, etc.
Le dernier concert, c’est le 30 juillet et au mois d’août, je vais souffler un peu. D’ici-là, il faut qu’on trouve des pistes de solutions pour Musilac. On ne fait pas partie d’un grand groupe, on est vraiment indépendants. On a des confirmations d’artistes pour 2023, et non des moindres, mais je ne peux pas leur promettre que le festival se tiendra. C’est soit il y a un avis de décès de Musilac, soit une renaissance.
On va vivre cette dernière journée avec joie et bonheur, il y a un ami de Musilac qui s’appelle Calogero qui va jouer, on est épuisé mais on va finir en beauté et demain sera un autre jour.